Dans un ton condescendant, le candidat du Sdf se dit prêt à accueillir tout candidat qui se rapproche de lui pour une coalition, mais lui, n’ira pas chercher. Ce parti semble oublier que le capital sympathie dont il bénéficiait en 1990 n’est plus le même à ce jour.
Au cours d’une conférence de presse donnée à Douala le 15 août à l’occasion de la présentation officielle de son quartier général de campagne, Osih Josua Nambangui, le candidat du Social Democratic Front, s’est exprimé aussi sur l’idée de la coalition de l’opposition pour une candidature unique.
D’après ses propos, les portes du Sdf sont ouvertes pour accueillir tout le monde, dans le sens de la recherche d’un consensus, si un candidat pense qu’il peut se joindre à lui il serait le bienvenu, car disait-il, il a reçu mandat de son parti pour discuter de toutes les offres. Pour lui, tous les Camerounais qui ont soif de changement doivent rejoindre le Sdf, le seul parti capable selon lui de gagner l’élection.
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Au sortir du comité exécutif national de son parti ce samedi 23 août à Yaoundé, il a déclaré encore, confiant et sûr de lui, que le Sdf ira aux élections et les gagnera. Le ton rassurant d’Osih Josua est de nature à rassurer ses partisans, si l’on peut se permettre la répétition. Une attitude somme toute normale pour un candidat, car à aucun moment il ne devrait donner l’impression qu’il ne va pas gagner.
Enfermé dans son passé
Ce qu’il faut craindre par contre, c’est que le candidat du Sdf soit victime de la myopie politique, qui lui fasse croire que le Sdf est encore ce parti populaire qui drainait les foules en 1991 ; ce parti pour lequel les Camerounais par milliers se sont sacrifiés dans les années de braise. Ce parti dont le leader, sur son itinéraire de Bamenda à Douala faisait sortir les foules ovationnant le long des rues de Mbouda, Bafoussam, Bandjoun, Baham, Batie, Bafang, Melong, Nkongsamba, Manjo, Loum, Penja, Djombe, Mbanga, Souza et qui venaient l’attendre à l’entrée Ouest de Douala à Bekoko.
Ce parti qui réunissait 30 000 personnes à l’esplanade du stade Omnisport à Bepanda pour un meeting, ce parti autour duquel tous les autres se sont spontanément regroupés en 1992 pour une coalition, et dont le leader gagnera l’élection présidentielle dans les urnes même si la Cour suprême déclara autre chose !!!
Dans le discours de Osih Josua Nambangui, il transparait clairement que son parti ne fera pas de démarche envers les autres, ce sont les autres qui doivent venir le rencontrer s’ils le veulent. Un simple duplicata du comportement de son président John Fru Ndi en 2004, quand il sabota la Cn2r, parce qu’il se projetait lui en avant, au détriment du programme commun et d’un profil de candidat arrêté au sein de la plateforme.
Il ne voit pas que les conducteurs de moto taxi n’osent même plus marquer un temps d’arrêt pour regarder la voiture du leader de ce parti passer tout le long du même itinéraire qui l’ovationnait hier, sans parler des commerçants qui fermaient carrément boutique hier pendant toute une journée, et qui aujourd’hui sont complètement indifférents. Bref, le Sdf ne veut pas voir qu’il a perdu le terrain. Tout continue de se jouer au niveau des intérêts personnels. Le parti garde encore les réflexes archaïques de conservateur, selon lesquelles le plus vieux ou le plus expérimenté serait le meilleur dans une bataille. Ce qui est exactement le contraire dans une stratégie.
Zone de confort
Dans l’armée, les généraux qui se réclament de l’expérience, de la sagesse, de la consistance et tout ce qu’on peut vouloir, sont en arrière garde. Ils envoient aux avant-postes les soldats les plus dynamiques, aptes à manipuler les armes de la dernière technologie et faire un véritable contrepoids à l’ennemi.
Ils restent en retrait pour assurer les arrières, exploiter les connaissances qu’ils ont acquises sur la durée et avec la pratique, pour dire aux soldats en ligne avancée comment éviter les pièges, les orienter, en même temps que de nouvelles stratégies sont déployées.
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Le Sdf semble oublier qu’il a une part de responsabilité trop grande dans les tournants ratés de l’alternance au Cameroun : le boycott par exemple des élections locales en 1992, qui aurait permis à l’opposition de prendre l’Assemblée nationale et forcement imposer une révision des textes qu’il est encore le premier à décrier aujourd’hui.
Le parti semble oublier que la pérennité au pouvoir d’un système est aussi la preuve de l’incapacité de l’opposition en face de construire une résistance planifiée. Et l’on a vu par le passé que le Sdf a depuis 1990 brillé par une particulière inconstance dans ses prises de position. On boycotte une élection le matin pour y aller le soir, on lance un appel à ne pas s’inscrire sur les listes électorales lundi, pour revenir sur cette décision vendredi alors que les inscriptions s’arrêtent samedi, on est d’accord pour une coalition pour claquer la porte à la dernière minute…
Le Sdf reste dans sa zone de confort, au moment même où les enseignements en développement personnel demandent d’en sortir, de repousser les limites. Cela ne s’applique par seulement aux individus, mais aussi et surtout aux organisations. Encore que la zone dans laquelle le parti semble se conforter est devenue illusoire, le nom du parti n’est plus qu’une marque de fabrique, avec un contenu suffisamment vidé et qui continue de se vider. Le terrain de l’opposition jadis contrôlé par le Sdf en majorité est aujourd’hui disloqué et contrôlée par d’autres formations montantes.
Descendre de ses chevaux
Le parti a intérêt à revoir ses positions. Et si d’extraordinaire il s’appuierait sur le nombre somme toute ridicule de ses députés à l’Assemblée nationale pour revendiquer une hypothétique place de leader, ses dirigeants doivent jusque-là comprendre que l’homme politique c’est celui qui va vers le peuple pour le convaincre de venir avec lui.
L’attitude de suffisance qui consiste à dire que ce sont les autres qui doivent venir vers soi est fatidique et peu productive. C’est la même attitude qui est reprochée au président Paul Biya qui se mure à Yaoundé et demande que l’on vienne le voir, pendant que les situations pourrissent sur le terrain.
« Le plus grand d’entre vous », disait Jésus à ses disciples, ce n’est pas celui qui se sert, c’est celui qui sert les autres. Et pour servir les autres il faut avoir l’humilité d’aller vers eux. Dans le cas d’espèce le plus grand c’est celui qui va vers les autres pour unir les forces. Ce qui se joue en ce moment c’est le destin d’un pays et d’un peuple, et non celui d’un parti, encore moins d’un individu.